Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/333

Cette page a été validée par deux contributeurs.

même ; ce que je sais, c’est que nul malheur ne se publie sous son règne sans qu’il ait consenti à cet humiliant aveu de la supériorité de la Providence. L’orgueil du despotisme est si grand qu’il rivalise avec la puissance de Dieu. Monstrueuse jalousie !!!… dans quelles aberrations as-tu fait tomber les rois et les sujets ? Pour que le prince soit plus qu’un homme, que faut-il que soit le peuple ?

Aimez donc la vérité, défendez-la dans un pays où l’idolâtrie est le principe de la constitution ! Un homme qui peut tout, c’est le mensonge couronné.

Vous comprenez que ce n’est pas de l’Empereur Nicolas que je m’occupe en ce moment, mais de l’Empereur de Russie. On vous parle beaucoup des coutumes qui bornent son pouvoir ; j’ai été frappé de l’abus et n’ai point vu le remède.

Aux yeux du véritable homme d’État et de tous les esprits pratiques, les lois, j’en conviens, sont moins importantes que ne le croient nos logiciens rigoureux, nos philosophes politiques, car, en dernière analyse, c’est la manière dont elles sont appliquées qui décide de la vie des peuples. Oui, mais la vie des Russes est plus triste que celle d’aucun des autres peuples de l’Europe ; et quand je dis le peuple, ce n’est pas seulement des paysans attachés à la glèbe que je veux parler, c’est de tout ce qui compose l’Empire.