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faisais que de naître, ou comme si j’allais mourir ; c’est que la vie intellectuelle n’est qu’une succession de découvertes. L’âme, lorsqu’elle n’a point dissipé ses forces dans les affectations, trop habituelles aux gens du monde, conserve une inépuisable faculté de surprise et de curiosité ; des puissances toujours nouvelles l’excitent à de nouveaux efforts ; cet univers ne lui suffit plus : elle appelle, elle comprend l’infini ; sa pensée mûrit, elle ne vieillit pas, et voilà ce qui nous promet quelque chose au delà de ce que nous voyons.

C’est l’intensité de notre vie qui fait la variété ; ce qu’on sent profondément paraît toujours neuf ; le langage se ressent de cette éternelle fraîcheur d’impressions ; chaque affection nouvelle prête son harmonie particulière aux paroles destinées à l’exprimer : voilà pourquoi le coloris du style est la mesure la plus certaine de la nouveauté, je veux dire de la sincérité des sentiments. Les idées s’empruntent, on cache leur source, l’esprit ment à l’esprit, mais l’harmonie du discours ne trompe jamais ; preuve assurée de la sensibilité de l’âme ; c’est une révélation involontaire ; elle sort immédiatement du cœur et va droit au cœur, l’art ne la supplée qu’imparfaitement, elle naît de l’émotion ; enfin cette musique de la parole porte plus loin que l’idée, c’est ce qu’il y a de plus involontaire, de plus vrai, de plus fécond dans l’expression de la