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fonde exprimée par un des esprits les plus éclairés et les plus cultivés de l’Allemagne, M. de Varnhagen d’Ense : « J’ai bien cherché, m’écrivait-il un jour, par quels hommes se font en dernière analyse les révolutions, et, après trente ans de méditations, j’ai trouvé ce que j’avais pensé dès ma jeunesse, qu’elles se font par ceux contre qui elles sont dirigées. »

Jamais je n’oublierai ce que j’ai senti en passant le Niémen pour entrer à Tilsit ; c’est surtout dans ce moment-là que j’ai donné raison à l’aubergiste de Lubeck. Un oiseau échappé de sa cage, ou sortant de dessous la cloche d’une machine pneumatique, serait moins joyeux. Je puis dire, je puis écrire ce que je pense, je suis libre !… m’écriai-je. La première lettre vraie que j’ai adressée à Paris est partie de cette frontière : elle aura fait événement dans le petit cercle de mes amis, qui, jusque-là sans doute, avaient été les dupes de ma correspondance officielle. Voici la copie de cette lettre :


Tilsit, ce jeudi 26 septembre 1839.

« Cette date vous fera, j’espère, autant de plaisir à lire qu’elle m’en fait à écrire ; me voici hors de l’Empire de l’uniformité, des minuties et des difficultés. Ici on parle librement et l’on se croit dans un tourbillon de plaisir et dans un monde emporté par les