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astres. Quant au coup d’œil, je me le figure de reste, j’ai vu assez de lignes droites en Russie. D’ailleurs, aux revues et aux petites guerres, l’œil ne va jamais au delà d’un grand nuage de poussière.

Encore si les acteurs chargés de jouer l’histoire étaient véridiques cette fois !… Mais comment espérer que la vérité va être respectée soudain par des hommes qui ont passé leur vie à la compter pour rien ?

Les Russes s’enorgueillissent avec raison de l’issue de la campagne de 1812 ; mais le général qui en a tracé le plan, celui qui le premier avait conseillé de faire retirer graduellement l’armée russe vers le centre de l’Empire pour y attirer les Français exténués ; l’homme enfin au génie duquel la Russie dut sa délivrance, le prince Witgenstein n’est pas représenté dans cette répétition générale ; c’est que, malheureusement pour lui, il est vivant… À demi disgracié, il vit dans ses terres ; son nom ne sera donc pas prononcé à Borodino, et l’on va élever sous ses yeux un monument éternel à la gloire du général Bagration, tombé sur le champ de bataille.

Sous les gouvernements despotiques, les guerriers morts ont beau jeu ; voilà celui-ci décrété le héros d’une campagne où il a péri en brave, mais qu’il n’avait pas dirigée.

Cette absence de probité historique, cet abus de la volonté d’un seul homme qui impose ses vues à tous,