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ce qu’on s’applique surtout à imiter en Russie, c’est l’œuvre du temps ; les hommes de ce pays où le passé manque, ressentent toutes les transes d’amour propre des parvenus éclairés, et qui savent fort bien ce qu’on pense de leur fortune subite. Dans ce monde des fées, ce qui dure est imité par ce qu’il y a de plus éphémère : un vieux arbre par un arbre déraciné !… des palais par des baraques tapissées d’étoffes ; des jardins par des toiles peintes. Plusieurs théâtres se sont élevés dans la plaine de Borodino, et la comédie y sert d’intermède aux pantomimes guerrières : ce n’est pas tout encore, une ville bourgeoise est sortie de la poussière dans le voisinage de la ville Impériale et militaire. Mais les entrepreneurs qui ont improvisé ces auberges sont ruinés par la police, laquelle n’accorde que très-difficilement aux curieux la permission d’approcher de Borodino.

Le programme de la fête est la répétition exacte de la bataille que nous avons appelée de la Moskowa, et que les Russes ont nommée bataille de Borodino ; voulant approcher autant que possible de la réalité, on a convoqué, des parties les plus reculées de l’Empire, tout ce qui reste parmi les vétérans de 1812 d’hommes ayant pris part à l’action. Vous figurez vous l’étonnement et les angoisses de ces pauvres vieux braves, arrachés tout d’un coup à la douceur