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de l’Empereur : il se fête lui-même et fait illuminer son Kremlin quand il vient à Moscou ; tandis qu’une madone, avec une lampe qui ne s’éteint jamais, l’attend dans une niche au-dessus d’une des principales portes du sacré palais ; cependant, à mesure que l’ombre croissait, la ville s’illuminait ; ses boutiques, ses cafés, ses rues, ses théâtres sortaient des ténèbres comme par magie. Ce jour était aussi l’anniversaire du couronnement de l’Empereur ; encore un motif de fête et d’illumination : les Russes ont tant de jours de joie à célébrer par an, qu’à leur place je n’éteindrais pas mes lampions.

On commence à se ressentir ici de l’approche du magicien : Moscou il y a trois semaines n’était habité que par des marchands qui vaquaient à leurs affaires en droschki ; maintenant les beaux coursiers, les voitures à longs attelages de quatre chevaux, les uniformes dorés pullulent dans les rues devenues brillantes ; les grands seigneurs, les valets obstruent les théâtres et leurs portiques. « L’Empereur est à trente lieues d’ici ; qui sait si l’Empereur ne va pas arriver ; l’Empereur pourrait venir cette nuit : peut être l’Empereur sera-t-il à Moscou demain ; on assure que l’Empereur y était hier incognito ; qui nous prouve qu’il n’y est pas maintenant ? » Et ce doute, et cet espoir, et ce souvenir, agitent les cœurs, animent les lieux, changent l’aspect de toutes les