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avait prudemment fait retirer l’éléphant dans le bois voisin d’une des contre-allées de la route. Cette terrible bête me parut encore grandie depuis le péril auquel elle m’avait exposé ; sa trompe, engagée dans la cime des bouleaux, me faisait l’effet d’un boa noué dans les branches d’un palmier. Je commençai à donner raison à mes chevaux, car il y avait là de quoi ressentir une grande épouvante. En même temps, le dédain que nos petits corps devaient inspirer à cette masse prodigieuse, me paraissait comique : du haut de sa tête puissante, l’éléphant, avec son œil fin et vif, jetait sur les hommes un regard inattentif ; je me sentais fourmi ; effrayé de la métamorphose, je me hâtai de fuir ce curieux spectacle, en rendant grâce à Dieu de m’avoir fait échapper à une mort affreuse, et qui pendant un moment m’avait paru inévitable.


(Suite de la même lettre.)
Moscou, ce 5 septembre 1839, au soir.

Une excessive chaleur n’a pas discontinué de régner à Moscou depuis plusieurs mois : j’y retrouve la température que j’y ai laissée ; c’est un été tout à fait extraordinaire. Cette sécheresse fait monter dans l’air, au-dessus des quartiers les plus populeux de la ville, une poussière rougeâtre, qui, vers le soir, pro-