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cent à monter sur une berge de huit pieds de hauteur presque à pic ; une des petites roues s’engage dans le gravier de cette berge ; déjà deux des chevaux ont gravi sur la crête sans rompre leurs traits : je vois leurs pieds au niveau de nos têtes ; encore un coup de collier, la voiture suivra ; mais comme elle ne peut arriver, elle versera, elle sera brisée, et ses morceaux dispersés seront traînés avec nous en divers sens, jusqu’à la mort de tous, bêtes et hommes : je crus que c’en était fait de nous. Les Cosaques qui escortaient le puissant personnage, cause du péril, voyant la situation critique où nous étions, avaient eu la prudence d’éviter de nous suivre de crainte d’animer notre attelage : prudence bien insuffisante ! moi, sans même songer à sauter hors de la voiture, je recommandais mon âme à Dieu lorsque Antonio disparut… je le crus tué : la capote et les rideaux de cuir de la calèche me cachaient la scène ; mais au même instant je sens les chevaux s’arrêter. « Nous sommes sauvés, » me crie Antonio ; ce nous me toucha, car lui-même était hors de danger depuis qu’il avait pu sortir de la voiture sans accident. Sa rare présence d’esprit lui avait fait discerner le seul moment favorable pour sauter au moindre risque possible ; puis, avec cette agilité que les vives émotions peuvent donner et ne peuvent expliquer, il s’était trouvé, sans savoir lui-même par quel moyen, sur la