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existent ; il faut de plus qu’au sommet du monument vivant, on aperçoive un homme de couleur olivâtre, en costume oriental, portant un parasol ouvert, et que cet homme soit bizarrement juché les jambes croisées sur des carreaux posés au milieu du dos du monstre ; il faut enfin que, tandis qu’on force ce potentat du désert de s’acheminer à pied vers Moscou et Pétersbourg, où le climat va bientôt le ranger dans la collection des mastodontes et des mammouths, je m’achemine, moi, en poste, de Nijni à Moscou par la route de Vladimir, et que mon départ coïncide exactement avec celui des Persans, de façon qu’à certain point de la route déserte, qu’ils suivent au pas majestueux de leur royal animal, j’arrive derrière eux au galop de mes chevaux russes, forcés de passer à côté du géant ; il ne faut rien moins, vous dis-je, que toutes ces circonstances réunies pour vous expliquer la peur homérique de mes coursiers en voyant devant eux la pyramide animée se mouvoir comme par magie au milieu d’une troupe d’étranges figures d’hommes et de bêtes.

La frayeur de mes quatre chevaux en approchant de ce colosse aux pieds couleur de fer, aux flancs revêtus de pourpre, se manifesta d’abord par un tressaillement universel, par des hennissements, des reniflements extraordinaires et par le refus de passer outre. Mais bientôt la parole, le fouet, la main du