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dans un pays où non-seulement l’expression des opinions est interdite, mais où l’on défend même le récit des faits les plus avérés ; un Français doit noter ce ridicule, et ne peut l’imiter.

La Russie est policée ; Dieu sait quand elle sera civilisée.

Comptant pour rien la persuasion, le prince attire tout à lui, sous prétexte qu’une centralisation rigoureuse est indispensable au gouvernement d’un empire prodigieusement étendu comme la Russie : ce système est peut-être le complément nécessaire du principe de l’obéissance aveugle : mais l’obéissance éclairée combattrait la fausse idée de simplification qui depuis plus d’un siècle domine l’esprit des successeurs du Czar Pierre, et même l’esprit de leurs sujets. La simplification poussée à cet excès, ce n’est plus la puissance, c’est la mort. L’autorité absolue cesse d’être réelle et devient elle-même un fantôme quand elle ne s’exerce que sur des simulacres d’hommes.

La Russie ne deviendra véritablement une nation que le jour où son prince réparera volontairement le mal fait par Pierre Ier. Mais se trouvera-t-il en un tel pays un souverain assez courageux pour avouer qu’il n’est qu’un homme ?

Il faut venir en Russie pour croire à toute la difficulté de cette réformation politique, et à la force de caractère nécessaire pour l’opérer.