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curiosité ; le dégoût physique l’emporte sur tout.

Des personnes réputées à Moscou pour impartiales, m’avaient assuré que je trouverais à Troïtza un gîte fort supportable. En effet, le bâtiment où l’on reçoit les étrangers, espèce d’auberge appartenant au couvent, mais située hors de l’enceinte sacrée, est un corps de logis spacieux et qui contient des chambres assez habitables en apparence : néanmoins à peine couché, mes précautions ordinaires se sont trouvées en défaut ; j’avais gardé de la lumière selon ma coutume, et ma nuit s’est passée à me battre contre des nuées de bêtes ; elles étaient noires, brunes, il y en avait de toutes les formes et je crois de toutes les espèces. Elles m’apportaient la fièvre et la guerre : la mort de l’une d’entre elles semblait attirer la vengeance de son peuple, qui se ruait sur moi à la place où le sang avait coulé ; je luttais en désespéré, m’écriant dans ma rage : « Il ne leur manque que des ailes pour faire de ceci l’enfer ! » Ces insectes laissés là par les pèlerins qui affluent à Troïtza de toutes les parties de l’Empire, pullulent à l’abri de la châsse de saint Serge, le fondateur de ce fameux couvent. La bénédiction du ciel se répand sur leur postérité, qui multiplie en cet asile sacré plus qu’en aucun autre lieu du monde. Voyant les légions que j’avais à combattre se renouveler sans cesse, je perdais courage et le mal de la peur devint