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grave, ses amis les plus intimes ne lui donnent pas signe de vie. Plusieurs semaines, deux mois se passent ainsi, à peine envoie-t-on de loin en loin savoir de ses nouvelles ; enfin la jeunesse triomphe, et, malgré le médecin du lieu, le voyageur guérit. Sitôt qu’il est rétabli, on afflue chez lui pour fêter sa convalescence, comme si l’on n’eût pensé qu’à lui durant tout le temps de sa maladie ; il fallait voir la joie de ses anciens hôtes ; vous eussiez dit que c’était eux qui venaient de ressusciter !… on le comble de protestations d’intérêt, on l’accable de nouveaux projets de divertissements, on le caresse à la manière des chats ; la légèreté, l’égoïsme, l’oubli, font patte de velours ; on vient jouer aux cartes près de son fauteuil, on lui propose doucereusement de lui envoyer un canapé, des confitures, du vin… depuis qu’il n’a plus besoin de rien, tout est à lui… Cependant, sans se laisser prendre à cet appât usé désormais, il met à profit la leçon, et fort de son expérience, il monte en voiture à la hâte, pressé qu’il est, de fuir une terre qui n’est hospitalière que pour les gens heureux, amusants ou utiles !…

Une dame française émigrée, âgée et spirituelle, était établie dans une ville de province. Un jour elle alla faire une visite une personne du pays. Il y a dans plusieurs maisons russes des escaliers couverts de trappes et qui sont dangereux. La dame française,