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fait appeler le meilleur médecin de l’endroit ; d’abord il se soumet à ce qu’on lui ordonne, mais au bout de quelques jours de traitement le mal empirant, le patient s’ennuie de son obéissance, se lève avec colère, et déchirant le voile de civilisation dont il avait cru nécessaire de s’affubler dans l’habitude de la vie, il redevient lui-même, et s’écrie, tout en arpentant sa chambre à grands pas : « Je ne conçois pas la manière dont on me traite : voilà trois jours qu’on me drogue sans me faire le moindre bien ; quel médecin m’avez-vous été chercher là ? il ne sait donc pas qui je suis ? »

Puisque j’ai commencé ma lettre par des anecdotes, en voici une moins piquante, mais qui peut vous servir à vous former une juste idée du caractère et des habitudes des personnes du grand monde en Russie. On n’aime ici que les gens heureux, et cet amour exclusif produit quelquefois des scènes comiques.

Un jeune Français avait parfaitement réussi dans une société de personnes réunies à la campagne. C’était à qui lui ferait fête : des dîners, des promenades, des chasses, des spectacles de société, rien n’y manquait ; l’étranger était enchanté. Il vantait à tout venant l’hospitalité russe et l’élégance des manières de ces barbares du Nord tant calomniés ! À quelque temps de là le jeune enthousiaste tombe malade dans la ville voisine ; tant que le mal se prolonge et s’ag-