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quer les phénomènes qu’ils ne peuvent ni révoquer en doute ni comprendre. L’imagination devient, pour certains métaphysiciens, ce que sont les nerfs pour certains docteurs.

L’esprit est continuellement forcé à réfléchir devant un spectacle aussi extraordinaire que celui qui lui est offert par la société constituée comme elle l’est ici. À chaque pas qu’on fait dans ce pays, on admire ce que les États gagnent à rendre l’obéissance absolue ; mais on regrette tout aussi souvent de n’y pas voir ce que le pouvoir gagnerait à rendre cette obéissance noble et morale.

À ce propos, je me rappelle un mot qui vous prouvera si je suis fondé à penser qu’il y a, et même en assez grand nombre, des hommes dupes du culte que le serf rend ici au seigneur. La flatterie a tant de puissance sur le cœur humain, qu’à la longue les plus maladroits de tous les flatteurs, la peur et l’intérêt, trouvent le moyen d’arriver à leur but et de se faire écouter comme les plus malins : voilà pourquoi beaucoup de Russes des classes élevées se croient d’une autre nature que les hommes du commun.

Un Russe immensément riche, mais qui déjà devrait être éclairé sur les misères de l’opulence et du pouvoir, car la fortune de sa famille date de deux générations, passait d’Italie en Allemagne ; il tombe assez gravement malade dans une petite ville, et il