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(Suite de la même lettre.)
Troïtza, ce 18 août 1839.

S’il fallait m’excuser des redites et de la monotonie, il faudrait vous demander pardon de voyager en Russie. Le retour fréquent des mêmes impressions est inévitable dans tous les voyages consciencieux, mais il l’est dans celui-ci plus que dans tout autre… Voulant vous donner l’idée la plus exacte possible du pays que je parcours, il faut que je vous dise exactement, heure par heure, ce que j’éprouve : c’est le seul moyen de justifier ce que je penserai plus tard. D’ailleurs, chaque nouvel objet qui me rappelle les mêmes idées me sert à prouver que ces idées sont justes : le décousu de la vérité est essentiel aux récits du voyageur. La méthode m’épargnerait des critiques, mais elle m’ôterait des lecteurs.

Troïtza est, après Kiew, le pèlerinage le plus célèbre et le plus fréquenté de la Russie. Situé à vingt lieues de Moscou, ce monastère historique m’a paru valoir la peine de m’y arrêter un jour, et d’y passer la nuit afin de voir en détail les sanctuaires révérés des chrétiens russes.

Mais pour m’acquitter de ma tâche, il m’a fallu ce matin un effort de raison ; après une nuit comme celle que je viens de passer, on n’a plus la moindre