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par les efforts tentés pour le délier. Ce seigneur, ce Dieu nouveau, à quel titre l’adore-t-on ? on l’adore parce qu’il a eu assez d’argent, qu’il a su intriguer assez habilement pour pouvoir acheter la glèbe où sont attachés tous ces hommes prosternés à ses pieds. Le parvenu me paraît un monstre dans un pays où l’homme est la fortune de l’homme, où le riche a pour ainsi dire droit de vie et de mort sur le pauvre. Le mouvement industriel et l’immobilité du servage combinés dans la même société, y produisent des résultats révoltants ; mais le despote aime le parvenu : c’est sa créature !….. Vous figurez-vous ici la condition d’un nouveau seigneur ? hier son esclave était son pareil ; son industrie plus ou moins honnête, ses flatteries plus ou moins basses, plus ou moins habiles, l’ont mis en état d’acheter un certain nombre de ses camarades qui aujourd’hui sont ses serfs. Devenir la bête de somme de son égal, c’est un mal intolérable. Voilà pourtant le résultat que peut amener chez un peuple l’alliance impie de coutumes arbitraires et d’institutions libérales, ou pour parler plus juste instables ; ailleurs, l’homme qui fait fortune ne se fait pas baiser les pieds par les rivaux qu’il a vaincus. L’incohérence la plus choquante est devenue la base de la constitution russe.

Remarquez en passant une confusion singulière produite dans l’esprit du peuple russe, par le régime