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quel perpétue le mal par ạmour de l’ordre établi. J’ajoute à ces motifs de sécurité l’aveugle obéissance des troupes ; cette soumission tient surtout à l’ignorance complète des gens de la campagne. Mais, singulière conjecture !… ce remède est en même temps la première cause du mal : on ne voit donc pas comment la nation sortira du cercle vicieux où l’ont engagée les circonstances. Jusqu’à présent le mal et le bien, la perte et le salut lui viennent de la même source : de l’isolement et de l’ignorance qui se favorisent, se reproduisent et se perpétuent réciproquement.

Vous ne sauriez vous figurer la manière dont un seigneur prenant possession du domaine qu’il vient d’acquérir, est reçu par ses nouveaux paysans : c’est une servilité qui doit paraître incroyable aux habitants de nos contrées : hommes, femmes, enfants, tous tombent à genoux devant leur nouveau maître, tous baisent les mains, quelquefois les pieds du propriétaire ; ô misère !… ô profanation de la foi !… ceux qui sont en âge de faillir confessent volontairement leurs péchés à ce maître, qui, pour eux est l’image, est l’envoyé de Dieu sur la terre et qui représente à lui seul et le roi du ciel et l’Empereur ! Ce fanatisme dans le servage, cet enthousiasme d’esclave doit finir par faire illusion, même à celui qui en est l’objet, surtout s’il est parvenu depuis peu au rang