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avec moins de variété dans les couleurs et dans les formes. La plus belle rue de Nijni, la rue d’en bas, est embellie par cet édifice moitié de briques, moitié de plâtre ; il faut dire que ce plâtre est moulé d’après des dessins si bizarres et qu’il forme tant de colonnettes, de fleurons, de rosaces, qu’on ne peut s’empêcher, devant une église aussi chargée de ciselures, de penser à un surtout de dessert en porcelaine de Saxe. Ce petit chef d’œuvre du genre capricieux n’est pas ancien, il est dû à la magnificence de la famille des Strogonoff, grands seigneurs descendants des premiers négociants au profit desquels se fit la conquête de la Sibérie sous Ivan IV. Les frères Strogonoff de ce temps-là levèrent eux-mêmes l’aventureuse armée qui conquit un royaume pour la Russie. Leurs soldats étaient des flibustiers de terre ferme.

L’intérieur de l’église des Strogonoff ne répond pas à l’extérieur, mais tel qu’il est je préfère de beaucoup dans son ensemble ce bizarre monument aux maladroites copies des temples romains dont Pétersbourg et Moscou sont encombrés.

Pour compléter la journée, nous avons été entendre un vaudeville en russe à l’Opéra de la foire. Ces vaudevilles sont encore des traductions du français. Les gens du pays me paraissent très-fiers de ce nouveau moyen de civilisation importé chez eux. Je n’ai pu juger de l’efficacité de ce spectacle sur l’esprit de