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sont pauvres, mais leur maison est d’une propreté tout à fait édifiante. En sortant de cette pieuse retraite le gouverneur m’a mené voir son camp ; la manie des manœuvres, des revues, des bivouacs est ici générale. Les gouverneurs de provinces passent leur vie comme l’Empereur, à jouer au soldat, à commander l’exercice à des régiments ; et plus ces rassemblements sont nombreux, plus les gouverneurs sont fiers de se sentir semblables au maître. Les régiments qui forment le camp de Nijni sont composés d’enfants de soldats ; c’est le soir que nous sommes arrivés près de leurs tentes dressées dans une plaine qui est la continuation du plateau de la côte où s’élève le vieux Nijni.

Six cents hommes chantaient la prière, et de loin, en plein air, ce chœur religieux et militaire produisait un effet étonnant ; c’était comme un nuage de parfum montant majestueusement sous un ciel pur et profond ; la prière sortie du cœur de l’homme, de cet abîme de passions et de douleurs, peut être comparée à la colonne de feu et de fumée qui s’élève entre le cratère déchiré du volcan et la voûte du firmament qu’elle atteint. Et qui sait si ce n’est pas là ce que signifiait la colonne des Israélites si longtemps égarés dans le désert ? Les voix des pauvres soldats slaves, adoucies par la distance, semblaient venir d’en haut ; lorsque les premiers accords frappèrent