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de la Russie, mais de tous les pays, et surtout du pays de France. Chez nous la fascination de la guerre et de la conquête dure toujours, en dépit des leçons du Dieu du Ciel, et de celles du dieu de la terre, l’intérêt ; cependant j’espère ; parce que malgré les écarts de nos philosophes, malgré le cynisme de notre langage, et malgré notre habitude de nous calomnier nous-mêmes, nous sommes une nation essentiellement religieuse… Certes, ceci n’est pas un paradoxe ; nous nous dévouons aux idées avec plus de générosité qu’aucun peuple du monde ; et les idées ne sont-elles pas les idoles des populations chrétiennes ?

Malheureusement nous manquons de discernement et d’indépendance dans nos choix ; nous ne distinguons pas entre l’idole de la veille, devenue méprisable aujourd’hui, et celle qui mérite tous nos sacrifices. J’espère vivre assez longtemps pour voir briser chez nous cette sanglante idole de la guerre, la force brutale. On est toujours une nation assez puissante, on a toujours un assez grand territoire, lorsqu’on a le courage de vivre et de mourir pour la vérité, lorsqu’on poursuit l’erreur à outrance, lorsqu’on verse son sang pour exterminer le mensonge et l’injustice, et qu’on jouit à juste titre du renom de tant et de si hautes vertus ! Athènes était un point sur la terre : ce point est devenu le soleil de la civilisation