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lonté d’un Czar de Moscovie aux lois de la nature, aux règles de l’art, à la vérité, à l’histoire, à l’humanité, aux liens du sang, à la religion, à tout. Si les Russes vénèrent encore aujourd’hui un homme si peu humain, c’est qu’ils ont plus de vanité que de jugement. « Voyez, disent-ils, ce qu’était la Russie en Europe avant l’avénement de ce grand prince, et ce qu’elle est devenue depuis son règne : voilà ce qu’un souverain de génie peut faire… » Fausse manière d’apprécier la gloire d’une nation. Cette influence orgueilleuse exercée chez les étrangers, c’est du matérialisme politique. Je vois, parmi les pays les plus civilisés du monde, des États qui n’ont de pouvoir que sur leurs propres sujets, lesquels sont même en petit nombre ; ces États-là comptent pour rien dans la politique universelle ; ce n’est ni par l’orgueil de la conquête, ni par la tyrannie politique exercée chez les étrangers que leurs gouvernements acquièrent des droits à la reconnaissance universelle ; c’est par de bons exemples, par des lois sages, par une administration éclairée, bienfaisante. Avec de tels avantages, un petit peuple peut devenir, non le conquérant, non l’oppresseur, mais le flambeau du monde, ce qui est cent fois préférable.

On ne peut assez s’affliger de voir combien ces idées si simples, mais si sages, sont encore loin des meilleurs et des plus beaux esprits, non-seulement