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seconde épreuve la docilité de mon feldjæger, dont ce même gouverneur respecte les prétentions.

Mon courrier ne voulant plus faire son métier, parce qu’il pressent les prérogatives de la noblesse à laquelle il aspire, est le type profondément comique d’une espèce d’hommes que j’ai décrite plus haut et qui ne peut se trouver qu’en Russie.

Je voudrais vous peindre cette taille fluette, ces habits soignés, non comme moyen d’avoir la meilleure mine possible, mais comme signe dénotant l’homme parvenu à un rang respectable ; cette physionomie fine, impitoyable, sèche et basse, en attendant qu’elle puisse devenir arrogante ; enfin, ce type d’un sot, dans un pays où la sottise n’est point innocente comme elle l’est chez nous, car en Russie la sottise est assurée de faire son chemin pour peu qu’elle appelle à son aide la servilité ; mais ce personnage échappe aux paroles comme la couleuvre aux regards… Cet homme me fait peur à l’égal d’un monstre ; c’est le produit des deux forces politiques les plus opposées en apparence, quoiqu’elles aient beaucoup d’affinité, et les plus détestables quand elles sont combinées : le despotisme et la révolution !!… Je ne puis le regarder et contempler son œil d’un bleu trouble, bordé de cils blonds, presque blancs, son teint bronzé par les rayons du soleil et bruni par les bouillonnements intérieurs d’une colère toujours