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partout enfin où nous nous voyions sans nous parler, le jeune lord aurait pu se dispenser d’imposer inutilement à trois personnes l’ennui d’une présentation d’étiquette sans profit pour lui ni pour nous. Il nous semblait que, venant de dîner ensemble, s’il n’eût voulu que causer un quart d’heure, rien ne l’empêchait de se mêler à notre conversation. Cet Anglais scrupuleux et formaliste nous laissa stupéfaits de sa politesse tardive et superflue ; en s’éloignant, il avait l’air également satisfait d’avoir fait connaissance avec moi, et de ne tirer aucun parti de cet avantage, si avantage il y avait.

Ce trait de gaucherie m’en rappelle un autre arrivé à une femme.

C’était à Londres. Une dame polonaise d’un esprit charmant a joué le premier rôle dans cette histoire qu’elle m’a contée elle-même. La grâce de sa conversation et la solide culture de son esprit la feraient rechercher dans le grand monde, quand elle ne serait pas appelée à y primer, malgré les malheurs de son pays et de sa famille. C’est bien à dessein que je dis malgré ; car, quoi qu’en pensent ou qu’en disent les faiseurs de phrases, le malheur ne sert à rien dans la société, même dans la meilleure ; au contraire, il y empêche beaucoup de choses. Il n’empêche pourtant pas la personne dont je parle de passer pour une des femmes les plus distinguées et les plus aimables de