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ples des autres nations. La supériorité française, supériorité si bien établie à leurs yeux qu’elle n’a même plus besoin d’être discutée, leur paraît un axiome sur lequel on peut désormais s’appuyer sans qu’il soit nécessaire de le prouver. Cette foi inébranlable en son mérite personnel, cet amour-propre si complétement satisfait qu’il en deviendrait naïf à force de confiance, si tant de crédulité ne se joignait le plus souvent à une sorte d’esprit, produit la pertinence. Ce que j’entends par ce mot est un composé de présomption, de persiflage et de causticité, qui tient de très près à l’impertinence, et c’est le naturel des Français de peu de valeur. Leur instruction, la plupart du temps, est dépourvue d’imagination et fait de l’intelligence un grenier à dates, à faits plus ou moins bien classés, mais toujours cités avec une sécheresse qui ôte tout son prix à la vérité, car sans âme on ne peut pas être vrai, on n’est qu’exact ; la surveillance continuelle qu’exerce leur vanité, sentinelle avancée de la conversation, épiant chaque pensée exprimée ou non exprimée par les autres pour en tirer avantage, espèce de chasse aux louanges tout au profit de celui qui ose se vanter le plus effrontément sans jamais rien dire ni laisser dire, rien faire ni laisser faire qui ne tourne à l’avantage de sa république ; l’oubli des autres poussé au point de les humilier innocemment sans s’apercevoir que l’opinion qu’on entretient de