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tout marche avec poids et mesure jusqu’au jour où la gêne et l’ennui devenant par trop insupportables, tout tombe sens dessus dessous. Ce jour-là on assiste à des saturnales politiques. Mais encore une fois, ces monstruosités isolées ne troublent pas l’ordre général. Cet ordre est d’autant plus stable, et paraît d’autant plus fermement établi qu’il ressemble à la mort ; on n’extermine que ce qui vit. En Russie le respect pour le despotisme se confond avec la pensée de l’éternité.

Je trouve en ce moment plusieurs Français réunis à Nijni. Malgré mon amour passionné pour la France, pour cette terre que, dans mon dépit contre les extravagances des hommes qui l’habitent, j’ai tant de fois quittée avec serment de n’y plus revenir, mais où je reviens toujours, où j’espère mourir ; malgré cet aveugle patriotisme, en dépit de cet instinct de la plante qui domine ma raison, je n’ai pas laissé, depuis que je voyage et que je rencontre au loin une foule de compatriotes, de reconnaître les ridicules des jeunes Français et de m’étonner du relief que prennent nos défauts chez les étrangers. Si je parle exclusivement de la jeunesse, c’est parce qu’à cet âge l’empreinte de l’âme étant moins usée par le frottement des circonstances, le jeu des caractères est plus frappant. Il faut donc en convenir, nos jeunes compatriotes prêtent à rire à leurs dépens par la bonne foi avec laquelle ils croient éblouir les hommes sim-