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foyer d’industrie d’autant plus remarquable qu’il est, pour ainsi dire, perdu au milieu des déserts qui l’entourent à perte de vue et d’imagination.

La valeur des marchandises apportées cette année à la foire de Nijni est de plus de cent cinquante millions, au dire du gouverneur et d’après la déclaration des marchands eux-mêmes, qui, selon la méfiance naturelle aux Orientaux, cachent toujours une partie du prix de ce qu’ils apportent. Quoique tous les pays du monde envoient le tribut de leur sol ou de leur industrie à la foire de Nijni, l’importance de ce marché annuel est due surtout aux denrées, au pierres précieuses, aux étoffes, aux fourrures apportées de l’Asie. L’affluence des Tatars, des Persans, des Boukares, est donc ce qui frappe le plus l’imagination des étrangers attirés par la réputation de cette foire ; néanmoins, malgré son résultat commercial, moi, simple curieux, je vous le répète, je la trouve au-dessous de sa réputation ; tout est morne et silencieux en Russie ; partout la défiance réciproque du gouvernement et des sujets fait fuir la joie. Ici les esprits eux-mêmes sont tirés au cordeau, les sentiments pesés, compassés, coordonnés, comme si chaque passion, chaque plaisir avait à répondre de ses conséquences à quelque rigide confesseur déguisé en agent de police. Tout Russe est un écolier sujet à la férule. Dans ce vaste collége qui s’appelle la Russie,