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problème : c’est-à-dire le point où le principe et l’application, la théorie et la pratique s’accordent, pour se faire une idée juste de l’état de la société en Russie.

À en croire l’excellent gouverneur de Nijni, rien de plus simple : l’habitude d’exercer le pouvoir rend les formes du commandement douces et faciles. La colère, les mauvais traitements, les abus d’autorité, sont devenus extrêmement rares, précisément parce que l’ordre social repose sur des lois excessivement sévères : chacun sent que pour conserver à de telles lois le respect sans lequel l’État serait bouleversé, on ne doit les appliquer que rarement et avec prudence. Il faut voir de près l’action du gouvernement despotique pour comprendre toute sa douceur (vous concevez que c’est le gouverneur de Nijni qui parle de la sorte) ; si l’autorité conserve quelque force en Russie, c’est grâce à la modération des hommes qui l’exercent. Constamment placés entre une aristocratie qui abuse d’autant plus aisément de son pouvoir que ses prérogatives sont moins définies, et un peuple qui méconnaît d’autant plus volontiers son devoir que l’obéissance qu’on lui demande est moins ennoblie par le sentiment moral, les hommes qui commandent ne peuvent conserver à la souveraineté son prestige qu’en usant le plus rarement possible de moyens violents ; ces moyens donneraient la me-