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Ah !… que l’ange ou le démon de l’industrie et des lumières me pardonne ! je ne puis m’empêcher de trouver un grand charme à l’ignorance lorsque j’en vois le fruit dans la physionomie céleste des vieux paysans russes.

Ces patriarches modernes se reposent noblement au déclin de leur vie ; travailleurs exempts de la corvée, ils se débarrassent de leur fardeau, vers la fin du jour, et s’asseyent avec dignité sur le seuil de la chaumière qu’ils ont peut-être rebâtie plusieurs fois ; car sous ce rude climat la maison de l’homme ne dure pas autant que sa vie. Quand je ne rapporterais de mon voyage en Russie que le souvenir de ces vieillards sans remords, appuyés contre ces portes sans serrures, je ne regretterais pas la peine que j’ai prise pour venir voir des créatures si différentes de tous les autres paysans du monde. La noblesse de la chaumière m’inspire toujours un profond respect.

Tout gouvernement fixe, quelque mauvais qu’il soit d’ailleurs, a son bon résultat, et tout peuple policé a de quoi se consoler des sacrifices qu’il fait à la vie sociale.

Néanmoins, au fond de ce calme que je partage et que j’admire, quel désordre ! que de violence ! quelle sécurité trompeuse[1] !…

  1. Depuis que la première édition de ce livre a paru, le fait suivant est venu à ma connaissance. Il est bien fait pour tempérer