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la manière cavalière dont on avait jugé à propos de la mettre à exécution.

« Le résultat a passé mes espérances, repartit le gouverneur d’un air satisfait. Pas une banqueroute !… Tous les nouveaux marchés ont été conclus d’après le nouveau régime monétaire ; mais ce qui vous étonnera, c’est que nul débiteur n’a profité, pour solder d’anciennes dettes, de la faculté accordée par la loi de frauder ses créanciers. »

J’avoue qu’au premier abord ce résultat me parut étourdissant, puis, en réfléchissant, je reconnus l’astuce des Russes ; la loi publiée, on lui obéit… sur le papier : c’est assez pour le gouvernement. Il est facile à satisfaire, j’en conviens, car ce qu’il demande avant tout, au prix de tout, c’est le silence. On peut définir d’un mot l’état politique de la Russie : c’est un pays où le gouvernement parle comme il veut, parce que lui seul a le droit de parler. Ainsi, dans la circonstance qui nous occupe, le gouvernement dit : Force est restée à la loi ; tandis que, de fait, l’accord des parties intéressées annule l’action de cette loi dans ce qu’elle aurait d’inique si on l’eût appliquée aux créances anciennes. Dans un pays où le pouvoir serait patient, le gouvernement n’eût pas exposé l’honnête homme à se voir frustré par des fripons d’une partie de ce qui lui est dû ; en bonne justice, la loi n’eût réglé que l’avenir. Eh bien,