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faits isolés restent ignorés des masses ; l’ordre ordinaire n’est pas troublé par des révoltes impuissantes ; il repose sur une prudence et sur un silence universels, qui sont synonymes d’ennui et d’oppression.

Dans ma promenade aux boutiques de la foire proprement dite, j’ai vu des Boukares. Ce peuple habite un coin du Thibet, voisin de la Chine. Les marchands boukares viennent à Nijni vendre des pierres précieuses. Les turquoises que je leur ai achetées sont chères comme celles qu’on vend à Paris, encore n’est-on pas sûr qu’elles soient véritables ; toutes les pierres de quelque valeur montent ici à des prix très-élevés. Ces hommes passent leur année dans le voyage, car il leur faut, disent-ils, plus de huit mois, rien que pour aller et venir. Ni leurs figures, ni leurs costumes ne m’ont paru très-remarquables. Je ne crois guère à l’authenticité des Chinois de Nijni ; mais les Tatars, les Persans, les Kirguises et les Calmouks suffisent à la curiosité.

À propos de Kirguises et de Calmouks, ces barbares amènent ici, du fond de leurs steppes, des troupeaux de petits chevaux sauvages pour les vendre à la foire de Nijni. Ces animaux ont beaucoup de qualités physiques et morales, mais ils n’ont pas de figure ; ils sont précieux pour la selle, et leur caractère les fait estimer. Pauvres bêtes ! ils ont plus de cœur que bien des hommes ; ils s’aiment les uns les