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vrai que dans toute société, pourvu qu’elle soit stable, le progrès des mœurs corrige les défauts des institutions.

On m’a pourtant conté que le père d’un comte Tcheremitcheff, aujourd’hui vivant, j’ai presque dit régnant, avait un jour promis la liberté à une famille de paysans, moyennant l’exorbitante somme de cinquante mille roubles. Il reçoit l’argent, puis il maintient parmi ses serfs la famille dépouillée.

Telle est l’école de bonne foi et de probité où s’instruisent les paysans russes, sous le despotisme aristocratique qui les écrase, malgré le despotisme autocratique qui les gouverne ; mais celui-ci se trouve bien souvent sans force contre son rival. L’orgueil Impérial se contente des mots, des formes, des chiffres ; l’ambition aristocratique vise aux choses, et fait bon marché des paroles. Nulle part maître plus adulé ne fut moins obéi et plus trompé que ne l’est le souverain soi-disant absolu de l’Empire de Russie ; pourtant la désobéissance est périlleuse, mais le pays est vaste et la solitude muette.

Le gouverneur de Nijni, M. Boutourline, m’a invité avec beaucoup de politesse à dîner chez lui tous les jours pendant le temps que je compte passer à Nijni ; demain il m’expliquera comment des traits pareils à la fausse promesse du comte Tcheremitcheff, rares partout et en tout temps, ne peuvent au-