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pourtant à un serf de demander, et aux hommes libres de lui accorder du crédit pour plus de cinq roubles. Eh bien, on traite sur parole avec plusieurs de ces hommes pour deux cent mille, pour cinq cent mille francs, et les termes de paiement sont fort reculés. Ces esclaves millionnaires, ces Aguado attachés à la glèbe ne savent pas lire. Aussi arrive-t-il en Russie que l’homme dépense prodigieusement d’intelligence pour suppléer à son ignorance. Dans les pays éclairés, les bêtes savent à dix ans ce que, dans les sociétés arriérées, les hommes d’esprit seuls parviennent à apprendre, et encore ne l’apprennent-ils qu’à trente ans.

En Russie, le peuple ignore l’arithmétique ; depuis des siècles il fait ses comptes avec des cadres qui contiennent des séries de boules mobiles. Chaque ligne a sa couleur, laquelle désigne les unités, les dizaines, les centaines, etc., etc. Cette manière de calculer est sûre et prompte.

N’oubliez pas que le seigneur des serfs millionnaires peut les dépouiller demain de tout ce qu’ils possèdent, pourvu qu’il ait soin de leurs personnes : à la vérité, ces actes de violences sont rares, mais ils sont possibles.

On ne se souvient pas qu’il y ait eu un seul négociant trompé dans sa confiance en la bonne foi des paysans avec lesquels il a traité d’affaires : tant il est