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mille lieues pour apprendre à pratiquer cette vertu des vaincus.

J’oubliais de noter une ville de laine de cachemire. En voyant ce vilain poil poudreux, ficelé par énormes ballots, je songeais aux belles épaules qu’il recouvrira un jour, aux magnifiques parures qu’il complétera, quand il sera changé en châles de Ternaux et autres.

J’ai vu aussi une ville de fourrure et une ville de potasse : c’est à dessein que je me sers de ce mot ville : lui seul peut vous dépeindre l’étendue des divers dépôts qui entourent cette foire et qui lui donnent un caractère de grandeur que n’aura jamais aucune autre foire.

Ce phénomène commercial ne pouvait se produire qu’en Russie : il fallait, pour créer une foire de Nijni, un extrême besoin de luxe chez des populations encore à demi barbares, vivant dans des contrées séparées les unes des autres par des distances incommensurables, sans moyens de communication faciles ni prompts ; il fallait un pays où il résulte de l’intempérie des saisons que chaque localité se trouve isolée pendant une partie de l’année ; la réunion de ces circonstances et de bien d’autres, sans doute, que je n’ai pu discerner, était nécessaire pour empêcher dans un empire déjà opulent le débit journalier dont le détail dispense les négociants des frais et des fatigues occa-