Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces habitations qui sont des seigneuries, et que le voyageur salue de la route comme des oasis.

Il y a quelques provinces où la chaumière est bâtie en terre ; mais alors son apparence plus misérable est pourtant encore assez semblable à celle des cabanes de bois ; d’un bout de l’Empire à l’autre le plus grand nombre des habitations rurales est construit en longues et grosses solives mal équarries et soigneusement calfeutrées avec de la mousse et de la résine. La Crimée, pays tout à fait méridional, fait exception ; d’ailleurs comparée à l’étendue de l’Empire, ce n’est qu’un point perdu dans l’immensité.

La monotonie est la divinité de la Russie : néanmoins, cette monotonie même a quelque charme pour les âmes capables de jouir de la solitude : le calme est profond dans ces sites invariables ; il devient quelquefois sublime au milieu de la plaine déserte qui n’a de bornes que celles de notre vue.

La forêt lointaine ne varie pas, elle n’est pas belle, mais qui peut la sonder ? Quand on pense qu’elle ne finit qu’à la muraille de la Chine, on est saisi de respect : la nature comme la musique tire une partie de sa puissance des répétitions. Étrange mystère ! c’est par l’uniformité qu’elle fortifie les impressions ; en cherchant à trop renouveler les effets, on tombe dans le fade et dans le lourd : c’est ce qui arrive aux musiciens modernes quand ils sont privés de génie, mais