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monde : rien de plus, rien de moins. D’un bout de la Russie à l’autre, je vois un gouvernement minutieux, lourd, hollandais, faisant hypocritement la guerre aux facultés primitives d’un peuple ingénieux, gai, poétique, oriental, et né pour les arts.

On trouve toutes les marchandises de la terre rassemblées dans les immenses rues de la foire, mais elles s’y perdent : la denrée la plus rare, ce sont les acheteurs ; je n’ai encore rien vu dans ce pays sans m’écrier : « Il y a trop peu de monde ici pour un si vaste espace. » C’est le contraire des vieilles sociétés où le terrain manque à la civilisation. Les boutiques françaises et anglaises sont les plus élégantes de la foire et les plus recherchées ; on se croit à Paris, à Londres : mais ce Bond-Street du Levant, ce Palais Royal des steppes n’est pas ce qui fait la richesse véritable du marché de Nijni ; pour avoir une juste idée de l’importance de cette foire, il faut se souvenir de son origine, et du lieu où elle se tint d’abord. Avant Makarief c’était Kazan : on venait à Kazan des deux extrémités de l’ancien monde : l’Europe occidentale et la Chine se donnaient rendez-vous dans l’ancienne capitale de la Tartarie russe pour échanger leurs produits. C’est encore ce qui arrive à Nijni ; mais on n’aurait qu’une idée bien incomplète de ce marché où deux continents envoient leurs produits, si l’on ne s’éloignait des boutiques tirées au cordeau