Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se repose, il s’arrête sur des séries de barques dont plusieurs ont des formes et des couleurs singulières ; toutes ces barques ont des mâts ; c’est un marécage américain, et cette forêt submergée est peuplée d’hommes accourus là de tous les coins de la terre, vêtus d’habits aussi bizarres que leurs figures et leurs physionomies sont étranges. Voilà ce qui m’a le plus frappé dans cette foire immense ; ces fleuves habités nous retracent les descriptions des villes de la Chine où les rivières sont changées en rues par des hommes qui vivent sur l’eau faute de terrain.

Certains paysans de cette partie de la Russie portent des chemises-blouses toutes blanches et ornées de broderies rouges : c’est un costume emprunté aux Tatars. On le voit briller de loin sous les rayons du soleil, et la nuit, le blanc du linge fait apparition dans les ténèbres ; l’ensemble de toutes ces choses produit des tableaux fort extraordinaires, mais si vastes et si plats qu’au premier coup d’œil ils dépassent la force d’attention de mon esprit et trompent ma curiosité. Malgré tout ce qu’elle a de singulier et d’intéressant, la foire de Nijni n’est point pittoresque : c’est la différence d’un plan à un dessin ; l’homme qui s’occupe d’économie politique, d’industrie, d’arithmétique, a plus affaire ici que le poëte ou que le peintre, il s’agit de la balance et des progrès commerciaux des deux principales parties du