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barques. Quarante mille hommes bivouaquent toutes les nuits et se nichent comme ils peuvent sur ces embarcations devenues les baraques d’un camp, mais d’un camp mobile. Ce peuple aquatique fait lit de toutes choses ; un sac, une tonne, un banc, une planche, un fond de bateau, une caisse, une bûche, une pierre, un tas de voiles, tout est bon à des hommes qui ne se déshabillent point pour dormir ; ils étendent leur pelisse de peau de mouton sur la couche qu’ils choisissent et ils y dorment comme sur un matelas. Cet amas de bateaux est un parquet volant. Du fond de la ville humide, le soir, on entend sortir des voix sourdes, des murmures humains qui se confondent avec le bouillonnement des flots ; quelquefois des chants s’élèvent du milieu d’une île de barques qui paraissait inhabitée ; car ce qu’il y a de plus singulier, c’est que les navires où se produisent ces bruits semblent vides au moins pendant le jour ; leurs habitants n’y demeurent que pour dormir, et même alors ils s’enfouissent dans les cales des bateaux et disparaissent sous l’eau comme les fourmis sous la terre. Des agglomérations de canots toutes semblables se forment sur le Volga aux approches de l’embouchure de l’Oka, et en remontant le cours de ce dernier fleuve au-dessus du pont de bateaux de Nijni on en voit d’autres encore qui s’étendent à des distances considérables. Enfin quelque part que l’œil