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En ce pays, il n’est pas rare de voir le maître d’une voiture établi dans le fond, même lorsqu’il n’est pas à côté d’une femme, tandis que ses amis se placent sur le devant. Cette impolitesse qu’on ne se permet chez nous que dans la plus étroite intimité, n’étonne ici personne.

Craignant que la familiarité du courrier ne parût choquante à mes obligeants conducteurs, je crus devoir faire descendre cet homme, en lui disant fort doucement de monter sur le siége de devant, à côté du cocher.

« Je n’en ferai rien, me répond le feldjæger avec un sang-froid imperturbable.

— Pourquoi ne m’obéissez-vous pas ? » répliquai-je d’un ton encore plus calme ; car je sais que chez cette nation à demi orientale, il faut faire assaut d’impassibilité pour conserver son autorité.

Nous parlions allemand. « Ce serait déroger, » répondit le Russe toujours du même ton.

Ceci me rappelait les disputes de préséance entre boyards, disputes dont les conséquences ont souvent été si graves sous les règnes des Ivan, qu’elles remplissent bien des pages de l’histoire de Russie à cette époque.

« Qu’entendez-vous par déroger, repris-je ? Cette place n’est-elle pas celle que vous avez occupée depuis notre départ de Moscou ?