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étaient rangées autour de la chambre ; un essaim de prêtres en robes, autrement dit une troupe de garçons de café en chemises, se précipitent dans la salle et la démeublent en un instant. Mais qu’est-ce que je vois ? de dessous chaque table, de dessous chaque tabouret, sortent des nuées de bêtes telles que je n’en avais jamais aperçu ; c’est un insecte noir, long d’un demi-pouce, assez gros, mou, rampant, gluant, infect et courant assez vite. Ce fétide animal est connu dans une partie de l’Europe orientale, en Volhynie en Ukraine, en Russie, et je crois dans la grande Pologne, où on l’appelle, ce me semble prussak ou tarakan. Je n’ai pu distinguer le nom que lui donnent les garçons du café de Nijni. Cette vilaine bête fut, dit-on, apportée d’Asie. En voyant le pavé de mon gîte tout marbré de ces insectes grouillants et qu’on y écrasait involontairement et volontairement, non par centaines, mais par milliers ; en m’apercevant surtout du nouveau genre de mauvaise odeur produit par ce massacre, le désespoir me prit ; je me sauvai de la chambre, de la rue, et je courus me présenter au gouverneur. Je ne rentrai dans mon détestable gîte que lorsque l’on m’eut dit et répété qu’il était aussi net qu’il pouvait l’être. Mon lit, rempli de foin frais, à ce qu’on m’assura, était dressé au milieu de la salle, les quatre pieds posés dans quatre terrines pleines d’eau, et je m’entourai de lumière