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Cette foire occasionne peu de désordres ; en Russie, le désordre est chose inconnue ; il serait un progrès, car il est fils de la liberté ; l’amour du gain et les besoins du luxe toujours croissants, jusque chez les nations barbares, font que même des populations à demi sauvages, telles que celles qui viennent ici de la Perse et de la Boukarie, trouvent du bénéfice à la tranquillité, à la bonne foi : d’ailleurs il faut avouer qu’en général les mahométans ont de la probité en affaires d’argent.

Il n’y a que peu d’heures que je suis dans cette ville et j’ai déjà vu le gouverneur : on m’avait donné pour lui plusieurs lettres de recommandations très pressantes ; il m’a paru hospitalier et communicatif pour un Russe. La foire de Nijni montrée par lui, et vue de son point de vue, aura pour moi un double intérêt : celui qui s’attache aux choses mêmes, presque toutes nouvelles pour un Français, et celui que je mets à pénétrer la pensée des hommes employés par ce gouvernement.

Cet administrateur porte un nom anciennement illustré dans l’histoire de Russie : il s’appelle Boutourline. Les Boutourline sont une famille de vieux boyards ; illustration qui devient rare. Je vous raconterai demain mon arrivée à Nijni, la peine que j’ai eue à trouver un gîte et la manière dont j’ai fini par m’établir, si tant est que je puisse me dire établi.