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disparaissent sous des côteaux pas plus hauts que des digues, et brunis par des forêts marécageuses. Les fleuves du Nord sont tristes comme le ciel qu’ils reflètent ; le Volga est, dans certaines parties de son cours, bordé de villages qu’on dit assez riches ; mais ces piles de planches grises aux faîtes moussus n’égaient pas la contrée. On sent l’hiver et la mort planer sur tous ces sites : la lumière et le climat du Nord donnent aux objets une teinte funèbre ; au bout de quelques semaines, le voyageur épouvanté se croit enterré vif ; il voudrait déchirer son linceul et fuir ce cimetière sans clôture, et qui n’a de bornes que celles de la vue ; il lutte de toutes ses forces pour soulever le voile de plomb qui le sépare des vivants. N’allez jamais dans le Nord pour vous amuser, à moins que vous ne cherchiez votre amusement dans l’étude : car il y a beaucoup à étudier ici.

Je suivais donc, désenchanté, la grande route de la Sibérie, quand j’aperçus de loin un groupe d’hommes d’armes arrêté sous une des contre-allées de la route.

« Que font là ces soldats ? dis-je à mon courrier.

— Ce sont, me répondit cet homme, des Cosaques qui conduisent des exilés en Sibérie !!… »

Ainsi ce n’est pas un rêve, ce n’est pas de la mythologie de gazettes ; je vois là de vrais malheureux, de véritables déportés qui vont à pied chercher pé-