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étrangers : mais cette musique n’est pas seulement mélancolique, elle est savante et compliquée : elle se compose de mélodies inspirées, et en même temps de combinaisons d’harmonie très-recherchées et qu’on n’obtient ailleurs qu’à force d’étude et de calcul. Souvent en traversant les villages, je m’arrête pour écouter des morceaux d’ensemble exécutés à trois et à quatre parties avec une précision et un instinct musical que je ne me lasse pas d’admirer. Les chanteurs de ces rustiques quintetti devinent les lois du contre-point, les règles de la composition, l’harmonie, les effets des diverses natures de voix, et ils dédaignent les unissons. Ils exécutent des suites d’accords recherchés, inattendus, entrecoupés de roulades et d’ornements délicats. Mais malgré la finesse de leur organisation, ils ne chantent pas toujours parfaitement juste ; ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on s’attaque à une musique difficile avec des voix rauques et fatiguées ; mais lorsque les chanteurs sont jeunes, les effets qu’ils produisent par l’exécution de ces morceaux savamment travaillés, me paraissent très-supérieurs à ceux des mélodies nationales qu’on entend dans les autres pays.

Le chant des paysans russes est une lamentation nasillarde, fort peu agréable à une voix ; mais exécutées en chœur, ces complaintes prennent un caractère grave, religieux, et produisent des effets d’har-