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telligence. Elle prend toute sorte de formes, même celle de l’humilité, de cette modestie religieuse découverte par les chrétiens.

Un Russe ne sait ce que c’est que de dire non à ce maître qui lui représente deux autres maîtres bien plus grands, Dieu et l’Empereur, et il met toute son intelligence, toute sa gloire à vaincre les petites difficultés de l’existence que respectent, qu’invoquent, qu’amplifient les hommes du commun chez les autres nations, vu qu’ils considèrent ces ennuis comme des auxiliaires de leur vengeance contre les riches, qu’ils regardent en ennemis parce qu’ils les appellent les heureux de ce monde.

Les Russes sont trop dénués de tous les biens de la vie pour être envieux ; les hommes vraiment à plaindre ne se plaignent plus : les envieux de chez nous sont des ambitieux manqués ; la France, ce pays du bien-être facile, des fortunes rapides, est une pépinière d’envieux ; je ne puis m’attendrir sur les regrets haineux de ces hommes à l’âme énervée par les douceurs de la vie ; tandis que la patience de ce peuple-ci m’inspire une compassion, j’ai presque dit une estime profonde. L’abnégation politique des Russes est abjecte et révoltante : leur résignation domestique est noble et touchante. Le vice de la nation devient la vertu de l’individu.

La tristesse des chants russes frappe tous les