Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Poétiques comme la nature, ils ont de l’imagination, et cette faculté se mêle à toutes leurs affections ; pour eux l’amour tient de la superstition : leurs attachements ont plus de délicatesse que de vivacité ; toujours fins, même quand ils se passionnent, on peut dire qu’ils ont de l’esprit dans le sentiment. Ce sont toutes ces nuances fugitives qu’exprime leur regard, si bien caractérisé par les Grecs.

C’est que les anciens Grecs étaient doués du talent exquis d’apprécier les hommes et les choses, et de les peindre en les nommant ; faculté qui a rendu leur langue féconde entre toutes les langues européennes, et leur poésie divine entre toutes les poésies.

Le goût passionné des paysans russes pour le thé me prouve l’élégance de leur nature et s’accorde bien avec la peinture que je viens de vous faire de leur caractère. Le thé est un breuvage raffiné. Cette boisson est devenue en Russie une chose de première nécessité. Les gens du peuple, quand ils veulent vous demander pour boire poliment, disent : pour du thé, na tchiai, comme on dit ailleurs : pour un verre de vin.

Cet instinct de bon goût est indépendant de la culture de l’esprit ; il n’exclut pas même la barbarie, la cruauté, mais il exclut ce qui est vulgaire.

Le spectacle que j’ai dans ce moment sous les