Si vous n’avez pas fait une étude particulière des annales de la Russie, le travail que vous allez lire vous paraîtra le résultat d’une combinaison monstrueuse, et pourtant ce n’est que le résumé de faits authentiques.
Mais tout cet amas d’abominations attestées par l’histoire, et qu’on lit comme des fables, n’est pas ce qui donne le plus à penser lorsqu’on se retrace le long règne d’Ivan IV. Non, un problème tout à fait insoluble pour le philosophe, un éternel sujet de surprise et de redoutables méditations, c’est l’effet produit par cette tyrannie sans seconde sur la nation qu’elle a décimée ; non-seulement elle ne révolte pas les populations, elle les attache. Cette circonstance prodigieuse me paraît jeter un jour nouveau sur les mystères du cœur humain.
Ivan IV, encore enfant, monte sur le trône en 1533 ; couronné à dix-sept ans, le 16 janvier 1546, il est mort dans son lit au Kremlin, après un règne de cinquante et un ans, le 18 janvier 1584, à soixante quatre ans, et il a été pleuré par sa nation tout entière, sans excepter les enfants de ses victimes. On ne sait si les mères moscovites l’ont pleuré ; c’est ce