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un ordre apparent plus fort et plus affreux que l’anarchie, parce que, je vous le répète, le malaise qu’il cause paraît éternel.

Je n’admets que bien peu d’idées fondamentales en politique, attendu qu’en fait de gouvernement je crois à l’efficacité des circonstances plus qu’à celle des principes ; mais mon indifférence ne va pas jusqu’à tolérer des institutions qui me paraissent nécessairement exclure la dignité des caractères.

Peut-être qu’une justice indépendante et qu’une aristocratie forte mettraient du calme dans les esprits russes, de l’élévation dans les âmes, du bonheur dans le pays ; mais je ne crois pas que l’Empereur songe à ce moyen d’améliorer la condition de ses peuples : quelque supérieur qu’un homme puisse être, il ne renonce pas volontairement à faire par lui-même le bien d’autrui.

De quel droit d’ailleurs reprocherions-nous à l’Empereur de Russie son amour de l’autorité ? la révolution n’est-elle pas aussi tyrannique à Paris que le despotisme l’est à Saint-Pétersbourg ?

Toutefois, nous nous devons à nous-mêmes de faire ici une restriction pour constater la différence qu’il y a entre l’état social des deux pays. En France, la tyrannie révolutionnaire est un mal de transition ; en Russie, la tyrannie du despotisme est une révolution permanente.