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ques marches qui partaient de la pelouse ; de l’autre, par un perron adapté au vestibule de la maison, et déguisé sous des berceaux de fleurs exotiques. En ce pays, le luxe des fleurs étrangères supplée à la rareté des arbres. Les hommes qui l’habitent, et qui sont venus de l’Asie pour s’emprisonner dans les glaces du Nord, se souviennent du luxe oriental de leur première patrie ; ils font ce qu’ils peuvent pour suppléer à la stérilité de la nature qui ne laisse venir en pleine terre que des pins et des bouleaux. L’art produit ici en serres chaudes une infinité d’arbustes et de plantes ; et comme tout est factice, la peine n’est pas plus grande pour faire croître des fleurs d’Amérique que des violettes et des lilas de France. Ce n’est pas la fécondité primitive du sol qui orne et varie les habitations de luxe à Pétersbourg, c’est la civilisation qui met à profit les richesses du monde entier, afin de déguiser la pauvreté de la terre et l’avarice du ciel polaire. Ne vous étonnez donc plus des vanteries des Russes ; la nature n’est pour eux qu’un ennemi de plus, vaincu par leur opiniâtreté ; au fond de tous leurs divertissements, il y a la joie et l’orgueil du triomphe.

L’Impératrice, toute délicate qu’elle est, le cou nu, la tête découverte, a dansé chaque polonaise sur l’élégant parquet du bal magnifiquement champêtre que lui donnait sa cousine. En Russie, chacun poursuit sa carrière jusqu’au bout de ses forces. Le devoir