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— Sire, ce mot de Votre Majesté me fera changer de projet.

— Tant mieux, nous vous montrerons les nouveaux travaux que nous faisons au Kremlin. Mon but est de rendre l’architecture de ces vieux édifices plus conforme à l’usage qu’on en fait aujourd’hui ; le palais trop petit devenait incommode pour moi : vous assisterez aussi à une cérémonie curieuse dans la plaine de Borodino : j’y dois poser la première pierre d’un monument que je fais élever en commémoration de cette bataille. »

Je gardais le silence et sans doute l’expression de mon visage devint sérieuse. L’Empereur fixa ses yeux sur moi, puis il reprit d’un ton de bonté et avec une nuance de délicatesse et même de sensibilité qui me toucha : le spectacle des manœuvres au moins vous intéressera. — Sire, tout m’intéresse en Russie. »

J’ai vu le vieux marquis D*** qui n’a qu’une jambe, danser la polonaise avec l’Impératrice ; tout estropié qu’il est, il peut marcher cette danse qui n’est qu’une procession solennelle. Il est venu ici avec ses fils : ils voyagent vraiment en grands seigneurs : un yacht à eux les a portés de Londres jusqu’à Pétersbourg où ils se sont fait envoyer des chevaux anglais et des voitures anglaises en grand nombre. Leurs équipages sont les plus élégants s’ils