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drement attaché à cet élève dont il se glorifiait. Retiré à Orléans, pendant la terreur, il apprit la mort de mon père par le journal : cette nouvelle inattendue lui causa un tel saisissement, qu’il mourut à l’instant frappé d’apoplexie.

Si les ennemis mêmes de mon père ne parlaient de lui qu’avec une sorte de respect involontaire, combien ses amis ne devaient-ils pas le chérir ? Il avait une simplicité de manières qui explique l’intérêt qu’inspirait son mérite. Sa modestie non affectée, la douceur de son langage, lui firent pardonner sa supériorité, à l’époque où le démon de l’envie régnait sans contrôle sur le monde. Il a sans doute pensé plus d’une fois, pendant la dernière nuit, aux prédictions de ses amis de Berlin ; mais je ne crois pas qu’il se soit repenti du parti qu’il avait pris : il était d’un temps où la vie, quelque pleine d’espérance qu’elle fût, paraissait peu de chose en comparaison du témoignage d’une conscience pure. On ne saurait désespérer d’un pays tant qu’il s’y trouve des hommes dans le cœur desquels le devoir parle plus haut que toutes les affections.


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