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espoir féroce ; et, sans songer que le rouge n’était pas mis là pour farder un visage flétri, mais qu’il était peut-être destiné à empêcher un homme de cœur de pâlir devant l’échafaud du lendemain, ils partent ensemble d’un éclat de rire terrible : l’électricité nerveuse triompha un moment de la douleur de l’âme.

L’effort qu’ils faisaient depuis longtemps pour se cacher leurs pensées avait irrité les fibres de leur cerveau ; ils furent surpris sans défense par le sentiment du ridicule, la seule émotion sans doute à laquelle ils ne s’étaient point préparés : ainsi, malgré leurs efforts, ou plutôt à cause de leurs efforts pour rester calmes, ils s’abandonnèrent à des rires désordonnés, et qui dégénérèrent bientôt en spasmes effrayants. Les gardiens, que leur expérience révolutionnaire éclairait sur ce phénomène du rire sardonique, eurent pitié de ma mère plus que, dans une autre occasion, quatre ans avant cette époque, la populace de Paris, moins expérimentée, n’avait eu pitié de la fille de M. Berthier.

Ces hommes entrèrent dans la salle, et emportèrent ma mère pendant une crise nerveuse qui se manifestait par des accès de rire toujours renouvelés, tandis que mon père resta seul livré aux mêmes convulsions.

Telle fut la dernière entrevue des deux époux, et